Nous aurions envie de
poser la question un peu provocante : le printemps
verra-t-il l’hirondelle ?
En l’occurrence un motu proprio annoncé
depuis des mois libéralisant la célébration de la
liturgie selon les anciens livres liturgiques.Espéré par
les uns, redouté par les autres, il divise les esprits
et alimente les controverses.
Dans une récente entrevue avec le
quotidien catholique "Avvenire", le cardinal Tarcisio
Bertone le présente comme imminent.Les uns estiment
qu’il devrait sortir encore au cours de ce mois de juin,
par exemple lors de la fête du Sacré Coeur. D’autres
suggèrent que Rome pourrait profiter du calme et de la
tranquillité de l’été pour passer inaperçu.
Début août, il est plus difficile de
monter un mouvement de protestation. Enquête.
La querelle s’est envenimée
depuis quelques jours en France avec l’épisode de Niafles ,
dans le diocèse de Laval , en Mayenne. Le décès du
vieux chargé d’âme, un nonagénaire attaché au rite de
Saint Pie V, ouvre une période de turbulences.
L’évêque, Mgr Armand
Maillard, voulant reprendre sous son contrôle
une situation explosive.
Mgr
Maillard avait permis pendant quelques mois à
un jeune prêtre de la fraternité Saint Pierre d’assurer
une transition en attendant une solution globale évitant
un abcès de fixation traditionaliste. Comme Mgr Pierre Raffin de Metz et
Mgr Gérard Daucourt de Nanterre ,
l’évêque de Laval estime pourtant qu’il est
préférable à long terme de proposer une messe de Paul VI
en latin.
En fait, derrière la
question liturgique, il s’agit bien d’un enjeu beaucoup
plus vaste. Niafles devenait le point de
ralliement de nombreux catholiques intégristes, souvent
liés à l’extrême droite. C’est cette raison qui dissuade
Armand Maillard de concéder
aux traditionalistes la solution qu’ils proposent.
L’évêque refuse que se constitue une Eglise dans
l’Eglise dont l’attachement aux formes préconciliaires
serait en définitive le drapeau.
La question d’une
légitimation de l’usage des anciens livres liturgiques
révèle une double dimension.
D’une part, il paraît
humainement de bon sens de ne pas interdire ou condamner
un rite séculaire, ce qui indirectement serait faire
preuve d’un ... intégrisme conciliaire aussi irritant
que d’autres formes d’intransigeance bornée. Au temps du
Pontificat de Paul VI, des
théologiens aussi peu suspects d’intégrisme que le futur
cardinal Yves Congar et le
suisse Hans Küng estimaient
absurde d’interdire la célébration de la messe de
Saint Pie V.
D’autre part, ce conflit des
rites demeure l’arbre qui cache la forêt. Au-delà des
querelles de lutrin, c’est la place inquiétante d’un
courant intransigeant musclé et foncièrement hostile à
certaines évolutions de l’Eglise qui suscite notre
perplexité. En outre, dans notre hexagone gallican et
idéologique, la revendication liturgique s’associe
souvent à des visions fascistes ou fascisantes de la
société. Qui nous rappellent des temps que nous
voudrions oublier.
Les intégristes ont beau jeu
de se poser en victimes des méchants évêques. Il est
évident que le sectarisme et la bêtise ne sont jamais
d’un seul côté. Il n’en reste pas moins essentiel de
situer cette question particulière de la liturgie dans
un contexte d’ensemble qui ressemble parfois à un
terrain miné. Comme si d’aucuns suivaient les conseils
d’un Louis Veuillot, fameux
polémiste catholique intransigeant et ultramontain,
lequel dans "l’illusion libérale" donne un véritable
manifeste de l’intégrisme catholique. Lorsque les
"libéraux" sont au pouvoir, selon Veuillot, le plus habile est
d’invoquer leur sens de la liberté pour les piéger en
quelque sorte.
Par contre, lorsque les ’"intransigeants"
reprennent le dessus...